Un marché de dupes

Publié le par Fred

Les députés examinent depuis hier le projet de loi sur le pouvoir d'achat, traduction des annonces télévisées du Président de la République. Un projet qui selon Jean-François Copé, président du groupe UMP, « va enfin pouvoir enlever aux Français ce boulet des 35 heures ». Des propos qui rappellent furieusement ceux tenus par la majorité à l'occasion des lois du 17 janvier 2003, du 4 mai 2004, du décret du 22 décembre 2004, des lois du 31 mars 2005, et du 21 août 2007. Ce n'est donc que la sixième fois en 4 ans que la droite prétend mettre fin au "carcan" des 35 heures, toujours responsable de tous les maux, comme si l'ensemble de son travail législatif n'avait finalement servi à rien.

Le proposition phare du projet d'aujourd'hui, la possibilité de rachat monétisé des RTT, ne fera pas exception. Il convient en premier lieu de préciser qu'elle ne durera que le temps d'une campagne municipale, la loi ne prévoyant  qu'une application exceptionnelle entre le 1er janvier et le 30 juin 2008 ; et ensuite qu'elle a tout d'un marché de dupes.

Contrairement aux discours médiatiques, cette possibilité n'est nullement un "droit de travailler plus" pour les salariés : la fixation du temps de travail de chacun demeure une prérogative exclusive de l'employeur, de telle sorte que c'est bien l'entreprise, et non le salarié, qui décidera de racheter ce temps. Nul doute qu'elles le feront : cette mesure tue en réalité la loi TEPA de cet été, les entreprises ayant davantage intérêt à racheter ces jours majorés de 10% et exonérés de charges, que des heures majorées à 25% dans les mêmes conditions. Pour les salariés, la différence n'est pas mince, ces jours n'étant de plus pas défiscalisés pour eux, contrairement aux heures supplémentaires. Ou comment nommer "pouvoir d'achat" une enième mesure de baisse du coût du travail, financée comme d'habitude par la sécurité sociale, c'est à dire par les franchises médicales. Il faut enfin rappeler que ces 10 jours ne se substitueront pas, mais s'ajouteront aux 220 heures supplémentaires annuelles que l'entreprise est en droit de demander à ses salariés. Le
contingent total  d'heures pouvant être travaillées au-delà de l'horaire légal correspondra alors  à l'équivalent de 8,3 semaines de 35 heures. C'est dire que les sociétés qui le souhaitent peuvent d'ores et déjà exiger de leurs salariés de renoncer à l'ensemble de leurs RTT et congés payés...

C'est donc sans même avoir besoin de cette loi que l'usine Continental de Sarreguemines a voté le retour aux 40 heures. Xavier Bertrand a beau jeu de se féliciter de ce résultat, acquis avec l'appui de 74% des salariés qui "ne veulent plus de la logique des 35 heures imposées qui fait passer tout le monde sous la même toise". Il oublie de préciser que ceux-ci étaient déjà - et tout à fait légalement - à 37,5 heures, signe de la souplesse desdits toise et carcan. Eux aussi ont accepté un marché de dupes : 6,66% de travail en plus pour un gain de 6% de salaire net.
Il faut dire que la direction du groupe avait des arguments en béton. A court terme, une prime de fin d'année de 600 euros versée à tous les salariés du groupe sauf bien sûr à ceux de Sarreguemines, et à long-terme, des menaces de suppressions d'emplois. 

On est loin du fameux volontariat puisque les 26% qui ont voté non devront eux aussi travailler plus. Mais l'on y voit surtout  les risques du "principe de l'accord majoritaire" cher à Sarkozy et qui permettrait de "déroger au droit du travail". Aujourd'hui sur sa durée, et demain peut-être, comme le théorise le MEDEF, sur le salaire minimum, la pariode d'essai ou les indemnités de licenciement, nul doute que de tels accords ne sauraient être arrachés que par le chantage. Le candidat Sarkozy fustigeait les "patrons-voyous", le président les prend en exemple.

Publié dans Economie - Social

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F
Ravi, positivement, que ce blog revive !!!
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