Le prix de la concurrence

Publié le par Fred

L'Assemblée Nationale a voté récemment deux petites mesures passées presque inaperçues et dont la contradiction me semble mériter un rapprochement.


La première mesure concerne les « actes de notoriété », documents permettant aux héritiers d'un défunt de débloquer les fonds se trouvant sur ses comptes bancaires. Ceux-ci, qui pouvaient jusqu'alors être délivrés gratuitement par les tribunaux d'instance, sont devenus monopoles des notaires et facturés au prix fixé légalement à 54,75 €. Interpellé à ce propos par l'excellent député Brottes, le rapporteur du projet de loi a répondu en substance que les demandes auprès des tribunaux ne concernaient que 10% des successions, que le prix fixé n'avait rien d'excessif et qu'il était « d'usage » de renoncer à cet héritage lorsque son montant était inférieur aux honoraires demandés.
 


Ce qu'il oublie de préciser, c'est que ces actes gratuits étaient demandés pour les « petites » successions, lorsqu'il n'y a pas de patrimoine en jeu et donc pas de recours au notaire. Qu'on demande à ceux-là de renoncer à une somme représentant tout de même 15% du RMI, et ce à l'occasion de circonstances humainement et financièrement éprouvantes. Et enfin, que 10% des successions, c'est au final 30 000 personnes concernées chaque année.
 


Un chiffre à rapprocher des 6 000 abonnés particuliers au tarif libre d'électricité, que l'UMP a défendu becs et ongles au nom du pouvoir d'achat, en leur offrant la possibilité de revenir chez EDF, dont le tarif régulé est inférieur en moyenne de 30%. L'initiative n'est pas contestable en soi : elle avait été défendue en vain par la gauche à l'occasion de la libéralisation du marché, et à nouveau il y a quinze jours par un amendement au projet de loi sur la consommation. Amendement repoussé alors par la majorité par pur électoralisme : c'était à elle et non à la gauche de venir en aide aux quelques aventuriers convaincus par son discours selon lequel la concurrence fait naturellement baisser les prix.


Ceux-là ont dû être ravis de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 11 décembre, annulant l'arrêté pris par Dominique de Villepin pour ne pas augmenter le tarif régulé du gaz le 1er janvier 2006. Ce recours n'avait pas été pris par GDF, dont on aurait pu comprendre qu'il défende ses recettes, mais par son concurrent Poweo, estimant les prix trop bas pour pouvoir s'aligner. Ce n'est donc pas la concurrence qui fait baisser les prix, mais bien leur hausse qui autorise la concurrence.


Reste que le répit ne sera que de courte durée : en 2010, tout le monde devra passer au tarif libre. Et l'essentiel sera alors de dépasser le débat stérile et dogmatique entre public et privé, régulation et libéralisation. Car c'est bien le dogme qui a conduit à la création de cette concurrence factice, qui oppose des producteurs d'énergie à de simples revendeurs. Aux premiers, les risques de gestion du réseau de distribution et les lourds mais nécessaires investissements ; aux seconds le droit de se fournir chez leurs concurrents et de faire pression sur leurs prix sans tenir compte de ces contraintes.

Une concurrence ni libre, ni non-faussée qui ne saurait tenir lieu de politique énergétique, à l'heure où la sécurisation des approvisionnements et la capacité d'investissement dans les nouvelles générations nucléaires, mais aussi renouvelables devraient être au coeur de l'agenda européen.

Publié dans Politique

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