Sus aux "irresponsables"

Publié le par Fred

La campagne présidentielle nous avait offert une formidable passe d'armes entre Xavier Bertrand, ministre de la santé, qui claironnait qu'il avait assaini les comptes de la sécurité sociale et Xavier Bertrand, porte-parole de Nicolas Sarkozy, qui défendait l'urgence des franchises médicales pour faire face à son trou béant. C'est en définitive Xavier Bertrand qui avait raison : un déficit record de près de 12 milliards d'euros en 2007 contre 8 milliards initialement annoncés par Xavier Bertrand...

La solution du gouvernement : faire payer les "irresponsables" qui consomment de la santé comme d'autres les bonbons, la faute comme l'écrit l'économiste ultra-libéral Jean-Louis Caccomo au "mythe de la gratuité qui consiste à décréter et à multiplier des droits sociaux". Le hic, c'est que la responsabilisation des assurés sociaux constituaient déjà la base des potions de Douste-Blazy et Bertrand. La réforme du médecin-traitant, déremboursements de médicaments, création des forfaits à 1 euro, réforme des tarifs hospitaliers devaient déjà rapporter 15 milliards et ramener la sécurité sociale à l'équilibre... cette année. Malgré la reprise l'an passé sur le front de l'emploi et donc la hausse des rentrées de cotisations sociales, on en est donc très loin. Et l'on risque de le rester : si l'on devait s'en tenir à cette seule logique, la Mutualité Française estime que les franchises nécessaires pour parvenir à l'équilibre seraient de 400 à 500 euros par personne et par an...

De toute évidence, les causes profondes de ce déficit ne sont ni comptables ni politiques. Il y a d'abord et c'est heureux le vieillissement de la population, qui accroît notre consommation de soins et réduit la part des actifs cotisants dans la population bénéficiaire. Il y a ensuite l'amélioration de la qualité des soins, qui passe d'une part par des investissements lourds qu'il faut bien rentabiliser (l'évolution des traitements des cancers en est un bon exemple) et d'autre part par l'évolution des pratiques médicales ne se limitant plus au traitement de la maladie, mais du malade avec l'ensemble des services que cela suppose (prise en compte de la douleur, soutien psychologique, confort et information des patients...). Il y a enfin l'impact de nos modes de vie modernes, source de pollutions diverses, de déséquilibre de l'alimentation ou de stress...

On ne répondra donc à la question de la maîtrise des dépenses qu'en structurant notre système de santé de façon à répondre efficacement à ces évolutions. Il faudra notamment rationnaliser l'organisation territoriale des équipements les plus lourds et les plus couteux, en évitant les deux écueils du gaspillage des ressources et de leur engorgement. Cela passe notamment par le renforcement de la prévention, dans ses cadres traditionnels que sont la médecine scolaire et professionnelle, mais aussi par une meilleure communication entre l'hôpital et la médecine libérale, qui doit pouvoir assumer des délégations de service public pour couvrir les zones rurales, les secteurs d'exlusion urbaine, ou une part des urgences. C'est là la philosophie exactement inverse de celle des franchises, qui en voulant responsabiliser le patient dans un rôle d'auto-évaluation de son état médical, conduit à retarder la prise en charge de maladies évolutives ou contagieuses.

Enfin, la question de la responsabilité vis à vis du système médical ne peut se limiter à sanctionner des "consommateurs" en bout de chaîne. Un grand nombre de choix industriels ne prennent pas en compte leur coût réel pour la collectivité : comme on a su le faire pour le tabac, on doit pouvoir s'interroger sur une taxe carbone en partie affectée à l'assurance maladie, ou sur la pertinence d'appliquer le même taux de TVA à une barre chocolatée qu'à une pomme. C'est en amont que les comportements doivent être responsabilisés, dans une démarche politique - qui dépasse le seul champ médical - qui repense le lien entre liberté individuelle et coût collectif. Un choix de société adulte à opposer au modèle actuel qui préfère multiplier les interdits et les messages moralisateurs à l'attention de grands enfants irresponsables...

Publié dans Economie - Social

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B
Merci monsieur, je reviendrai ici.      jm b
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