La semaine de 34 heures

Publié le par Fred

Ou plus précisément de 33,8 heures... c'est la durée moyenne de travail hebdomadaire aux Etats-Unis, comme le rapporte Le Point, qui ne saurait pourtant être taxé de gauchisme. D'après ce tableau réalisé par l'OCDE, cette durée moyenne atteint 30,8 heures aux Pays-Bas, 35,5 heures au Danemark et en Allemagne, 36,4 heures en Irlande, 36,9 heures au Royaume-Uni et... 38 heures en France. De plus, la durée moyenne de travail hebdomadaire a baissé en 10 ans de 3,5 heures en Irlande, de 2 heures en Allemagne ou d'une heure au Royaume-Uni, tandis que la France est avec la Norvège le seul pays de l'OCDE où l'on travaille plus en 2006 qu'en 1997... C'est dire à quel point l'argument selon lequel la RTT serait la seule idée que la France n'a jamais exporté est fallacieux.


Comment interpréter ces résultats qui ne manqueront pas de surprendre les électeurs UMP et que notre gouvernement feint d'ignorer ? Le monde occidental « développé » connait depuis les années 1970 un mouvement continu de baisse du temps de travail, sous l'effet conjugué de trois phénomènes : les gains de productivité (qui permettent d'utiliser moins de main d'oeuvre à production constante), le développement du tertiaire (où la durée de travail est en moyenne de 4 à 8 heures de moins que dans l'industrie) et son corollaire, la féminisation du marché du travail (qui concentre l'essentiel des recours au travail temporaire).


Or, force est de constater que la France a développé une approche originale de ces questions. D'abord, par un statut de « mère active » socialement encouragé par la législation (congés parentaux, prise en charge des frais de garde d'enfant...), tandis que nos voisins ont davantage tendance à le dévaloriser moralement (la femme devant élever ses enfants). Une spécificité qui explique non seulement le dynamisme de la natalité française comparativement aux autres pays européens, mais aussi l'importance de l'emploi à plein temps dans le travail des femmes, qui atteint 69,4% contre 57,4 au Royaume-Uni et 54,2% en Allemagne. A toutes seigneures, tout honneur, c'est d'abord aux Françaises que notre pays doit de travailler davantage que ses partenaires.


Mais l'impact des lois Aubry ne saurait paradoxalement être négligé. La comparaison du tableau précédent d'avec celui-ci montre que les pays qui ont le chômage le plus faible sont aussi ceux qui travaillent le moins (Pays-Bas, Irlande, Danemark, Royaume-Uni). La France a choisi en la matière la voie originale du « partage », en encourageant une diminution collective du temps de travail de préférence à l'accroissement des inégalités de temps travaillé entre hommes et femmes, secteurs industriels et tertaires, cadres et employés. De fait, cette réforme a soutenu la durée effective moyenne de travail, en limitant à 17% le taux de temps partiel, lorsqu'il atteint plus de 25% en Allemagne et au Royaume-Uni, et même 45% aux Pays-Bas, le tout sans remettre en cause une productivité qui demeure parmi les plus fortes d'Europe.


La droite souhaite que l'on travaille plus ? Les 200 000 emplois de services à la personne créés par le Plan de Cohésion Sociale ont une durée hebdomadaire moyenne de 15 heures, tandis que le RSA incite les Rmistes à occuper non pas un plein-temps (ils doubleraient leurs revenus sans autre besoin d'incitation) mais un quart-temps, soit 8,75 heures par semaine... On est bien loin du « plancher » de 35 heures revendiqué ce week-end par François Fillon. En vérité, l'alternative ne se fait pas entre le plein emploi à 40 heures et le chômage de masse à 35 heures, mais entre une société qui répartit solidairement l'impact d'une baisse inéluctable du temps de travail, et une société qui autorise quelques uns à « travailler plus pour gagner plus » et rejette les autres dans la précarité du sous-emploi.


Les Français ont fait le choix difficile – fiscalement et salarialement – d'une solidarité que le sarkozysme prétend éradiquer. Ils ont parfaitement le droit de faire aujourd'hui un autre choix. Encore faudrait-il que celui-ci soit pleinement assumé par un gouvernement qui expliquerait clairement et sincèrement les termes de ce nouveau contrat.

Publié dans Economie - Social

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