Pour une entreprise durable !
S'adressant de la tribune à l'assemblée nationale, le président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, a fustigé ceux qui - à gauche de cet hémicycle - n'aimeraient pas l'entreprise. Il est grand temps de sortir le débat politique de cette impasse caricaturale dans laquelle on souhaiterait nous attirer... Il y aurait ainsi d'un côté les libéraux, ceux qui ont compris le monde moderne et qui souhaiteraient libérer l'entreprise pour lui permettre de l'affronter. De l'autre, les socialistes qui s'attacheraient à défendre des privilèges que l'on a plus les moyens de financer et qui condamnent l'entreprise à la ruine sous le poids d'un Etat tentaculaire... Je revendique le droit à un débat sur la politique économique, assis sur la confrontation de diagnostics et des solutions qui ne sont pas menés "pour" ou "contre" l'entreprise, "pour" ou "contre" les "salariés", "pour" ou "contre" la fonction publique... Mais qui visent à développer une croissance économique qui permet aux entreprises de se développer et d'investir, aux salariés de consommer et d'avoir des perspectives d'évolution, et à la fonction publique de produire des externalités positives pour entretenir le système.
Mon diagnostic, c'est que les politiques économiques pronées par M.Barroso et certains chefs d'entreprise (pas tous...) ne sont pas - à terme - soutenables. Augmentation continue des bénéfices redistribués au détriment de l'investissement, croissance d'une bulle financière sans commune mesuer avec l'évolution de l'économie réelle, pression sur les salaires et prestations sociales qui constituent la demande aux entreprises, exploitation de ressources périssables... face à ce constat, la mission de la social-démocratie au 21e siècle sera de promouvoir un modèle de croissance durable, protégeant l'économie de marché (que nous avons accepté comme modèle de production de richesses) contre ses propres excès. C'est au nom de cette conception que l'on doit affirmer la légitimité de l'Etat à mener des politiques macroéconomique, pour agir sur le contexte dans lequel opèrent les entreprises.
Mais le défi de "l'entreprise durable", c'est aussi une politique volontariste d'accompagnement de la création d'entreprise. Ce thème, trop souvent absent de la pensée politique à gauche, doit devenir l'un des moteurs de la politique de l'emploi menée par la social-démocratie. Sur les quelques 220 000 entreprises crées en France chaque année, la mortalité à 5 ans des de 58%, alors qu'elle n'est que de 30% pour les entreprises ayant recouru au conseil et à l'accompagnement proposé par les CCI, les chambres de métiers, les associations, les collectivités locales etc... Il me semble essentiel de promouvoir des politiques publiques qui ne soient plus axées sur l'accompagnement financier (subventions, exonérations de charges) mais sur le financement de prestations de nature à sécuriser les créateurs d'entreprise. Je souhaite ici vous soumettre 3 axes de réflexion :
- La création de pépinières d'entreprises par les collectivités locales.
Seules 3% des créations d'entreprises bénéficient aujourd'hui des facilités offertes par les "pépinières" et "incubateurs". Ces structures sont pourtant extrêmement utiles, permettant aux entreprises nouvelles de se concentrer sur leur coeur de métier en mutualisant les coûts de services communs : accueil, comptabilité, juridique, accès aux réseaux d'information... Je propose de densifier considérablement le maillage de ces structures en contraignant les collectivités locales, sur le modèle de la loi SRU, à créer des structures d'accueil pour un nombre d'entreprises proportionnel à leur population active. Ces nouvelles pépinières "publiques" seraient réservées aux entreprises de moins de 3 ans, avec un loyer progressif (remise de 30% sur le prix du marché la première année, de 20% la deuxième et de 10% la troisième), et seraient sélectionnées par les collectivités sur 3 critères : le potentiel de création d'emploi, le caractère innovant de l'activité et la complémentarité du projet avec le tissu d'entreprises du bassin d'emplois.
- La création d'un contrat de parrainage entreprenarial.
Lapalissade : les compétences nécessaires à la réussite d'une entreprise se trouvent dans les entreprises qui ont réussi. Je pense qu'il est possible de mettre en oeuvre des politiques d'incitation au transfert de ces compétences (réalisation d'études de marché, d'études de faisabilité, analyse de business plan, conseil juridique, logistique ou RH...). Dans le cadre d'un "contrat de parrainnage entreprenarial", une entreprise de plus de 5 ans pourrait donc fournir des prestations à une entreprise de moins de cinq ans, contre par exemple une déductibilité de ces prestations du calcul de l'Impôt sur les Sociétés.
- Une garantie publique des prêts bancaires pour les chômeurs créateurs.
Nombreux sont les chômeurs qui songent à créer leur propre emploi, mais ne peuvent le faire, faute d'accéder au crédit. Le système bancaire français n'a pas de culture du risque, de telle sorte qu'il demande des garanties sous forme d'apport personnel, que les chômeurs n'ont pas nécessairement. Je propose que les services publics (commune, région, assedics ?) puissent, sous réserve d'acceptation d'un dossier complet de création de micro-entreprise de garantir une somme correspondant à l'apport personnel généralement demandé, soit 7500 euros. Dans le cas où l'entreprise fonctionne et qu'elle peut honorer ses prêts, aucun argent ne sort des caisses publiques. Dans le cas contraire, le service public rembourse ces 7500€ à la banque et renégocie l'échéancier de remboursement sans intérêt de cette somme.